PORTRAIT Aurélie Ranalli : La conservation de savoirs oubliés : entreprendre pour le patrimoine

 

Partie sur les traces des grands maîtres artisans en Italie, Aurélie Ranalli a capitalisé un savoir artisanal et des techniques rares.

 

« Empreintes des marbres incrustés »
Tempietto del Santo Sepolcro di Leon Battista Alberti alla cappella Rucellai
Florence, Italie

 

Douée d’une intuition artistique, tout en sagesse et capable d’entreprendre sur tous types de chantier, elle en a fait son métier ! Grâce à l’utilisation de techniques particulières, elle met un point d’honneur à conserver une trace du passé dans le présent.

Sa passion ? Assister artistes et artisans, comprendre leur processus créatif et le restituer à sa manière dans un métier qui lui est propre et qu’elle nomme architecture particulière et intervention d’intérieur.

En fin de phase test, la coopérative d’emploi DiES lui ouvre maintenant les bras pour poursuivre son aventure d’indépendante dans le patrimoine mais pas que.

 

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Dessin par @rafikidessine
Chargé de communication

Quel est votre projet ?

Mon projet entrepreneurial gravite autour du patrimoine architectural avec l’utilisation de techniques et de savoirs artisanaux. Je l’ai nommé Architecture particulière et intervention d’intérieur.

Je travaille sur divers chantiers liés à la restauration ou la rénovation des intérieurs : Dorure sur bâtiment classé ou chez des particuliers, peinture, scénographie (c’est-à-dire le design d’espaces culturels – expositions, musées) ou encore le travail du papier : paravents et luminaires, pour des évènements ou des collections d’objets.

De plus, j’ai donné des cours de dessins techniques d’architecture à La Cambre et maintenant des ateliers de sensibilisation au patrimoine pour les enfants, en partenariat avec les Musée Horta à Saint-Gilles et la Maison Autrique à Schaerbeek. Travailler dans ces lieux historiques est une magnifique opportunité, une source d’inspiration et surtout un réel plaisir.

 

Empreintes des marbres incrustés du Tempietto del Santo Sepolcro di Leon Battista Alberti alla cappella Rucellai Florence, Italie

Votre métier : un mélange subtil de plusieurs disciplines ?

Exactement !

Ce qui me plait dans ce projet, c’est d’allier l’architecture à l’art en général, mêlé au savoir et au savoir-faire de l’artisanat. Dans le patrimoine, je retrouve tout ça. Toutes ses techniques (parfois ancestrales) sont incroyables et témoignent d’époques, d’habitudes de construction ou d’ornementation. La frontière entre l’artiste et l’artisan est très mince, et j’adore voyager entre les deux concepts.

 

Restitution d’une partie d’un décor en faux-marbre dans un hall d’entrée bruxellois

 

Votre passion ?

La technique, la méthode et le savoir-faire des artisans me subjuguent ! Je suis profondément attirée par le savoir artisanal détenu par les maîtres qui aiment le transmettre. Écouter leur travail, connaître leurs références, ce qu’ils regardent, ce qu’ils ont étudié, comment ils ont procédé, est passionnant. Dès que je travaille sur nouveau chantier, ça m’amène de nouvelles idées et de nouvelles techniques. J’apprends tous les jours !

 

Dorure sur une façade classée à Tournai

 

Votre parcours professionnel avant JobYourself ?

Après mes études à La cambre en architecture d’intérieur, j’ai enchaîné les jobs en tant qu’assistante, que ce soit d’architectes, d’artistes ou comme assistante de cours de dessin techniques.

Je me suis sentie frustrée car j’avais l’impression de n’être qu’assistante dans tous mes projets professionnels, je voulais aussi réaliser mes propres projets ! J’ai réalisé plus tard la richesse d’avoir assisté ces personnes.

 

Une bourse de soutien pour les métiers d’artisanat en voie de disparition ?

J’ai arrêté de travailler et je suis partie en voyage d’apprentissage, en Italie, pendant 2 ans, grâce à une bourse Sofina & Boel reçue de la Fondation Roi Baudoin . Elle permet de soutenir des jeunes artisans de talent dans les métiers du patrimoine et les métiers qui disparaissent. Soutien aux orfèvres, luthiers, tailleurs d’orangers et tous une série d’autres métiers incroyables.

 

Marbre brut « Verde di Prato » dans une carrière toscane, Prato, Italie

 

 

Un voyage initiatique et d’apprentissage

Arrivée à Florence, je suis devenue obsédée par la taille et les motifs du marbre !

J’y ai rencontré l’ancien directeur de la rénovation du dôme de la cathédrale de Santa Maria del Fiore de Florence, un fabuleux artisan de 80 ans. J’ai travaillé dans son atelier et appris à tailler et incruster le marbre comme les scalpellini (un art datant de l’époque romane du 12ème siècle).

La bourse soutient justement ce genre de projets : les métiers auxquels personne ne s’intéresse plus (rire) ! Ils veulent rendre pérennes des métiers qui ont tendance à disparaitre. Mon maître italien me faisait rire. Il me disait : « Il n’y a vraiment que les belges pour donner des sous pour ça ! (rire) »… Heureusement pour moi et mon parcours.

Cette époque était fabuleuse en apprentissage : une belle porte pour entrer dans cet espace-temps architectural qui m’a permis de composer mon métier actuel.

 

Taille et Verde di Parto incrusté dans un blanc de Carrare, Florence, Italie

 

 

Comment avez-vous lancé votre projet ?

Avec tout cet apprentissage artisanal accumulé, je brûlais d’envie de passer à l’action. Je voulais recentrer le tout et fabriquer un nouveau métier qui m’était propre.

 

« Je suis revenu avec mes valises pleines de marbres d’Italie et d’idées. Je me suis inscrit chez Actiris qui m’a dit : Mais, qu’est-ce que vous êtes ? Vous ne rentrez dans aucune de nos cases… Heureusement on connaît un super endroit pour tester votre projet ! »

Je suis entrée en accompagnement chez JobYourself suite au conseil de mon conseiller Actiris. J’ai donc lancé mon projet tout en effectuant quelques petits chantiers d’architecture et de rénovation par-ci par-là.

 

Votre phase de préparation chez JobYourself ?

La phase de préparation, c’est prendre confiance.

Le premier jour en séance collective, je ne me sentais mal dans mes baskets. Je pensais que je n’avais rien à faire là. Tout le monde semblait avoir du concret. Heureusement, comme cette phase est en collectif, cela agit comme un boost d’énergie et de confiance. J’en suis ressortie avec la connaissance de ma clientèle et un business plan qui tient la route. La phase de préparation m’a permis de structurer mon projet et de prendre le temps de le développer.

 

Paravent en papier et dorure à la feuille, résidence à L’Escaut Architectures, Bruxelles

 

Votre Test chez JobYourself ?

Être coachée par des personnes qui ont confiance et n’éprouve aucun doute sur mon projet m’a énormément soutenu. C’était le cas de mes deux coachs : Alain et Isabelle.

Ma coach Isabelle est arrivée en cours de parcours. Cela m’a donné l’occasion de pitcher à nouveau la complexité de mon projet à une nouvelle interlocutrice. Un beau défi.

 

L’oeil du coach : Isabelle Baligant

 

« Avec Aurélie, je suis plongée dans un univers artistique de haut vol : De ses restaurations pour des lieux emblématiques du patrimoine belge à ses travaux créatifs de scénographie pour de grands noms (Sabine Theunissen, Lionel Estève), la qualité de ses prestations et la maîtrise de son savoir-faire ne sont plus à prouver.

 

Au fur-et-à-mesure de sa période test, Aurélie a pris conscience de son talent et cela lui a donné des ailes. Et ce n’est pas parce qu’Aurélie est une artiste qu’elle laisse tomber les autres aspects utiles à l’entrepreneuriat. Elle suit son activité financière et sa communication avec professionnalisme.

 

Et ce n’est pas tout. Elle réussit même à achever un Master en rénovation de patrimoine tout en assurant son rôle de jeune maman. Pour couronner le tout, Aurélie a une personnalité généreuse et rayonnante qui transforme chacune de nos rencontres en un moment d’enchantement. »

 

 

Palette de couleurs sur mesure pour un appartement anversois

Des projets sur le feu ?

Effectivement !

  • Finir mon Executive master en Gestion de Patrimoine Architectural à La Cambe/Horta avec un mémoire-projet, en collaboration avec deux autres étudiants, de soutien à la restauration de l’ancien cinéma “Rio” à Laeken (création d’un dossier solide, économiquement plausible , et voir ce que le propriétaire et les architectes peuvent en faire en termes de réaménagement).
  • Continuer mes projets d’art décoratifs et des projets de collaboration avec des artistes.
  • Je me suis rendue compte de la richesse d’assister un artisan pour la transmission et l’apprentissage. J’aimerais faire cela à temps partiel et combiner avec mes projets personnels. Apprendre en travaillant n’a pas de prix.
  • J’envisage enfin d’entrer dans la coopérative d’emploi DiES, en septembre, à la fin de mon test chez JobYourself !

 

Un conseil pour se lancer ?

Ne pas se précipiter !
Bien prendre le temps de s’organiser et de mettre les choses en place pour avoir un projet qui tienne la route sur la longueur.

 

 

JobYourself en 1 mot ?

Un Starter !
JobYourself, c’est une aide à démarrer quelque chose, une impulsion. J’ai l’image du moteur diesel en tête (comme dans ma vieille Golf) : il faut l’étincelle pour démarrer le moteur et y aller, cette étincelle c’est JobYourself.

 

Dorure à la feuille sur papier, résidence à l’Escaut Architectures, Bruxelles

 

Le plus agréable dans votre métier ?

Les plus :

J’ai besoin de l’expertise des autres artisans, pour apprendre à chaque fois en fonction du projet qui se présente. Prendre des conseils auprès des spécialistes artisans reste passionnant.

 

Les moins :

Cette manière de travailler me heurte parfois à certains qui ne sont pas dans cette dynamique de partage de savoir-faire car ils ont mis toute leur vie à l’obtenir. Je l’entends tout à fait mais ça ne rend pas le travail facile !

Enfin, en tant que jeune architecte d’intérieur, dans le milieu du bâtiment (souvent mysogine), demander à des entrepreneurs de faire des choses dont ils n’ont pas l’habitude pour rester en phase et cohérent avec les projets et les lieux reste un grand défi !

 

Peinture à la chaux, maison particulière, Bruxelles

 

 

Les incidences du COVID-19 sur votre projet ?

Oui, un gros impact…

Tous mes projets dans le culturel ont été malheureusement annulés et reportés . . .

J’en profite pour faire la décoratrice chez moi et rénover mon appartement (rire) et je garde bon espoir pour la suite !